Les aspects positifs d’un plan décennal
On peut penser ce que l’on veut des plans sur dix ans de la Chine. Toujours est-il que, une fois la cible principale définie, le plan est mis en œuvre et le résultat doit être atteint, coûte que coûte.
En 2014, la Chine a inclut la devise „one belt, one road“ dans son plan décennal. Cette nouvelle devrait éveiller l’attention, si ce n’est plus, de chaque commerçant d’Europe (et en Suisse!). Elle aura des conséquences pour les vendeurs, les producteurs et sur la logistique. Mais pour l’instant, pas de panique, personne ne bouge sur le vieux continent. L’Europe semble trop occupée avec elle même (marché unique, TTIP, protection des données, BREXIT etc.) pour pouvoir réfléchir sérieusement à cette problématique.
C’est donc dans un climat apaisé que la Chine rénove doucement mais sûrement sa “route de la soie”. Elle acquiert des pions stratégiques sur la route qui sépare les deux endroits, met par exemple en place une logistique conséquente en Europe de l’est. Grâce à des plateformes comme Aliexpress, wish, lightinthebox etc., il est désormais possible pour un producteur chinois de vendre quasiment “en direct” sur le marché européen. Cette nouvelle façon d’agir met clairement en danger les intermédiaires actuels. J’entends d’ici vos “Il est dingue, il dit n’importe quoi”, mais je confirme, un changement majeur est en marche.
Des preuves?
Mais avec plaisir ! En terme d’infrastructures, voici une petite liste des derniers achats:
- Cosco (Chine) rachète le port de Pirée, en Grèce
- Tzaneen (Chine) essaie de racheter l’aéropoort de Madrid (et échoue…)
- La Chine essaie de racheter le secteur chemins de fer de l’entreprise Bombardier (et échoue…)
- C’est une première, un train relie la Chine et Teheran (infrastructure pré-existante)
- En 2015, 2.5 Mio de colis importés directement de Chine
- Des investisseurs chinois achètent l’aéroport de Francfort
- Le vieil aéroport de Athènes est privatisé
Ces premiers projets sont à mes yeux des preuves suffisantes de la tendance qui nous attend. La Chine essaie de prendre possession des infrastructures de transport en Europe. Elle souhaite maximiser la rapidité de transport et pouvoir communiquer directement avec les clients.
Une nouvelle intéressente nous vient de Grèce. Depuis le rachat d’une partie de l’aéroport, le chiffre d’affaire de ce dernier s’est multiplié par huit! De plus la Chine prévoit d’investir plus d’un milliard dans les infrastructures, notamment dans la logistique. Alors?
D’ailleurs, je me suis toujours posé la question, mais pourquoi tous ces navires de transport vont jusqu’à Rotterdam ou Hambourg, empilant par ce fait des jours et des kilomètres supplémentaires inutiles? Je peine à voir le sens économique et écologique. La vraie raison réside dans l’absence d’infrastructure à même de gérer l’entier de l’arrivage. Et pour régler ce problème, la Chine semble vouloir nous donner un coup de main…
Que nous manque-t-il?
Si l’on se penche en détail sur le plan décennal de la Chine, on s’aperçoit que dans les objectifs de développement géographiques, la Chine a d’ores et déjà atteint les pays suivants: Grèce, Emirats Arabes Unis et en Iran. Afin de pouvoir “inonder” l’Europe avec ses produits, il manque encore un pan important à la Chine. Un accès sécurisé et fiable en chemin de fer (tout transporter avec des camions ne semble pas réaliste). Je suis à deux doigts de parier que dans les années à venir, nous allons assister à d’autres rachats (du moins en partie), spécialement dans le secteur des chemins de fer, en Europe orientale. En raison de la pression externe exercée sur les dirigeant pour privatiser des pans entiers de l’économie, il est bien possible que cela se passe en Grèce. Mais il est également possible que face à l’impossibilité de racheter l’une ou l’autre des entreprises, la Chine décide de poser elle même les voies qui la mèneront en Europe. Une impression de déjà vu? J’admets que cette anecdote est quelque peu tirée par les cheveux, mais elle pourrait vous rappeler une histoire qui s’est déroulée dans les années 1860 aux USA. Là-bas aussi, de la main d’oeuvre chinoise a participé à l’expansion du réseau de chemins de fer.
„Intéressant, mais cela ne me concerne pas“
…. c’est ce que certains commerçants pensent encore aujourd’hui. Absolument faux! Apparemment la révolution numérique ne semble pas encore avoir été comprise par l’ensemble des acteurs actifs dans le secteur du commerce de détail. Ou du moins elle n’apparait pas sur leur “radar stratégique”. Le côté positif, c’est qu’il reste précisement 8 années pour le comprendre (même si il est bien possible que déjà dans 4 ans, il soit trop tard pour réagir). La digitalisation permet, entre autre, d’avoir un accès direct au client. Et ce pour n’importe qui, sans limition de taille et de lieu. Aliexpress, Lightinthebox et Konsorten semblent avoir compris cette nouveauté. La Chine et sa façon de faire du commerce met nos commerçants face aux conséquences de leur insuffisante adaptation au changement. Désormais, grâce au Smartphone elle a un accès privilégié à la clientèle, ce qui met en danger les intermédiaires du passé.
Quoi de plus logique quand on sait qu’un t-shirt qui coûte 2 US$ à un intermédiaire, peut finir par coûter 40 US$ en Europe? Autant vous dire que si vous êtes aujourd’hui un intermédiaire qui revend des produits chinois sur le marché européen, l’avenir risque d’être mouvementé pour vous. Si par contre vous maitrisez l’ensemble de la chaine de création de valeur, si vous êtes actif dans la recherche et le développement en Chine ou dans d’autres pays où les coûts de la main d’oeuvres restent relativement bon marché, les temps qui s’annoncent pourraient être “dorés” pour vous. A l’image de ce qui se passe avec Sigg ou avec Syngenta, vous risquez même de vous retrouver dans le collimateur de ces investisseurs affamés.
Vous connaissez l’effet domino? Les premières pièces tombent…
Le commerçant de détail est en danger et il le sent encore avant l’intermédiaire qui lui fournit la marchandise. Mais confiant comme il est (“Mais non ce commerce en ligne ne vas pas dépasser les 20%”), il continue de passer des commandes auprès de son fournisseur. Malheureusement, de plus en plus régulièrement, il lui reste de la marchandise en stock. En tant qu’intermédiaire vous pouvez, dans un premier temps, vous réjouir des nombreuses commandes, mais cela ne dure pas, et par la suite la chute peut être violente. Toujours est.il que, les pièces du domino tombent, gentiment, mais surement. Pour imager cela, la première pièce c’est le commerçant de détail, et depuis mi 2015 des pièces chutent régulièrement…
Alors, chers intermédiaires…
… devenez producteur ou même vendeur “en direct”. Prenez votre bâton de pèlerin et faites le chemin alambiqué que suit le produit de sa création à sa vente finale. Développer, construire, produire des biens, voila votre nouvelle vie. Il s’agit désormais de défendre corps et âme votre création. Le reste n’existera plus dans 10 ans, ou a peine, alors foncez. L’accès direct que permet Internet remet en cause le schéma que nous avons connu jusqu’à présent. Et contrairement à certains, la Chine a compris cela!
Quelque chose à rajouter?
Chaque nouveau risque offre également une nouvelle possibilité. Avec la création d’une nouvelle route de la soie, d’innombrables opportunités se créent pour un commerçant de détail courageux et ingénieux! Même en Suisse. Prenez le temps de réfléchir, demandez-vous si une autre voie existe, si il y une autre direction à explorer? Ah, une dernière chose, vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les chinois achètent du lait en poudre européen en masse? Voilà, vous voyez, des solutions existent…