C’est d’abord avec étonnement, puis avec stupéfaction et enfin avec incompréhension que nous avons pris note de la réaction paranoïaque déclenchée dans le monde des pharmaciens par la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne au sujet de l’affaire des prix uniformes fixés en Allemagne pour les médicaments soumis à prescription.
“L’envoi de médicaments délivrés sur prescritpion doit être interdit”
… C’est la nouvelle proposition venue du pays civilisé, digitalisé et avide de progrès qu’est l’Allemagne. L’Autriche est citée en exemple. L’argument étant que l’impératrice Marie-Thérèse aurait, de son temps, interdit la vente par correspondance des médicaments (!).
L’homme connecté du 21ème siècle que vous êtes se frotte surêment les yeux d’étonnement. Si l’on adaptait les législations actuelles au passé, on obtiendrait les choses suivantes :
- Interdiction des voitures dans le canton des Grisons (c’était le cas de 1900 à 1925)
- à Memphis dans le Tennessee, il faudrait faire circuler des hommes munis de drapeaux rouges devant les voitures conduites par les femmes (pour avertir les piétons et les autres conducteurs)
- Dans le canton d’Appenzell, seuls les hommes possèdent le droit de vote
- Les femmes mariées sont obligées de porter le nom du mari
- etc., etc.
L’avenir compte
Personnellement je pense que s’appuyer sur le passé pour établir une loi n’est pas une bonne idée. Surtout quand le futur réserve des changements absolument décisifs.
Et si tout ce petit monde des pharmaciens effectuait d’un coup une rotation de 180°, et décidait soudainement de regarder en avant, soit vers l’avenir ?
- Télémédecine: Cette façon de faire est quasi unanimement louée comme alternative (on peut même parler de propagande!). Elle permet d’effectuer un premier diagnostic, notamment dans les zones difficiles d’accès. Elle permet d’effectuer des diagnostiques via vidéo, téléphone, etc. Pourquoi autoriser cela, mais continuer d’interdire l’envoi par correspondance de médicaments?
- Sécurité: Si vous vous rendez dans une véritable “pharmacie d’envoi de médicaments” vous allez rapidement vous rendre compte que le niveau des mécanismes de sécurité (logistique, évitement des erreurs, etc.) est d’un niveau difficilement atteignable.
- Maladies chroniques: Pour des malades chroniques il existe difficilement une solution plus adaptée que l’ouverture d’une vente par correspondance des médicaments. Logiquement, ces derniers doivent régulièrement se fournir de nouvelles commandes, et s’éviteraient de fait les déplacements.
- Accès aux soins : Une autorisation de l’envoi de médicaments sûre et efficace par correspondance serait une aide inestimable pour les nombreux habitants de régions reculées qui bénéficient actuellement d’un accès difficile aux soins.
Et c’est le moment d’introduire l’argument choc des anti-libéralisation : Le vendeur à distance n’est pas capable d’assurer la sécurité de l’envoi, car il ne serait pas capable d’identifier une éventuelle erreur. L’entreprise qui s’occuperait de la vente à distance n’aurait pas la capacité d’identifier une falsification et encore moins une erreur commise par un médecin, alors que le pharmacien traditionnel, oui. Je suis convaincu du contraire. Une “pharmacie à distance” effectuerait cela au minimum de manière équivalente à ce qu’il se fait actuellement.
Mais les opposants savent que le thème est tabou, sujet à la polémique. C’est pourquoi ils agitent les arguments de la peur, en se basant sur des expériences fallacieuses (prendre exemple sur l’impératrice…).
Prenez votre courage à deux mains et affrontez l’avenir !
Ne sommes-nous pas arrivé au moment où au lieu de se battre idéologiquement, il faut penser à organier la vente à distance de médicament dans le but de satisfaire la demande des clients? N’est-ce pas le dernier moment d’adapter l’offre au monde digitalisé? Afin de profiter des nouvelles chances qu’offre ces changements.
L’expérience de ces dernières dix années aura démontré une chose, la digitalisation ne s’arrête pas, quels que soit les obstacles, ou les peurs. Est-ce j’ai vraiment besoin de vous citer des exemples?
Je vous rassure, pour moi aussi la santé représente un bien précieux, si ce n’est le plus précieux. De ce fait, j’admets volontiers que nous devons aborder le thème avec prudence. Je pourrais comprendre que pour certains médicaments, il faille refuser l’envoi par correspondance, mais je pense que de manière générale nous devons nous opposer à une interdiction totale, qui est vraiment exagérée et contre productive. De tout temps le progrès a rencontré des contradicteurs, rappelez vous des luddites lyonnais qui détruisirent des métiers à tisser par peur de la machine. Vous-vous réellement répéter pareille erreur? Je pense qu’aujourd’hui, avec le recul nous sommes tous heureux que dans le passé le progrès aie gagné face aux craintes d’une minorité. Alors si au lieu de perdre de l’énergie en défendant un modèle du passé, vous passiez au commerce en ligne? D’autant plus que cette option est largement appréciée par les clients!
La Suisse en avance, mais paradoxalement tout de même en retard
Je dois avouer que je suis plutôt fier de la législation de notre pays à ce sujet. Il est d’ores et déjà possible d’envoyer des médicaments nécessitant une ordonnance. C’est même confirmé dans la nouvelle loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux. Le point noir, et le retard paradoxal sur l’UE étant que chez nous, l’envoi de médicament en vente libre est possible, à condition d’avoir une ordonnance…