Par Lassila KARUTA, AWP – 10.12.2021
Zurich (awp) – Le commerce de détail suisse devrait terminer l’année en cours en nette progression grâce au secteur non-alimentaire. Le chiffre d’affaires des détaillants devrait cependant se contracter en 2022 et à court terme les incertitudes liées à la recrudescence de la pandémie de coronavirus devraient peser.
En 2021, “les ventes du commerce de détail dépasseront pour la première fois la barre des 100 milliards de francs, ce qui correspond à une croissance de 2,4% par rapport à 2020”, prévoit le centre de recherche BAK Economics dans une récente étude. Le chiffre d’affaires nominal devrait s’inscrire à 101,4 milliards de francs.
L’habillement et les autres secteurs non-alimentaire ont en particulier soutenu cette tendance positive. Ils se sont étoffés de 6,9% en comparaison annuelle, tandis que les aliments sont restés quasi-stables (+0,2%) entre janvier et septembre, selon le moniteur du spécialiste des études de marché GFK.
L’année dernière déjà, les détaillants helvétiques avaient vu leurs recettes s’enrober de 2,6% grâce aux importants achats de nourriture au plus fort de la crise sanitaire, les consommateurs ayant constitué des stocks et s’étant rendus beaucoup moins souvent au restaurant. Au vu de la progression de 2020, les spécialistes anticipaient il y a quelques mois encore une stabilisation voire un ralentissement du commerce de détail en 2021.
“Le commerce de détail suisse se porte mieux que prévu en 2021. Les magasins drainent de nouveau plus de monde. Par contre, ce qui reste problématique, ce sont les régulations autour du télétravail”, commente Karine Szegedi, responsable du secteur de la consommation en Suisse du cabinet Deloitte.
“Afin que les enseignes dans les villes restent dynamiques, elles n’ont pas seulement besoin des acheteurs du samedi mais aussi des personnes qui viennent travailler en ville, vont dans les restaurants et réalisent quelques achats à midi ou le soir”, explique à AWP l’experte.
Le Conseil fédéral ayant de nouveau recommandé le télétravail pour contenir la pandémie, la fréquentation des boutiques au cours des prochains mois pourrait de nouveau ralentir, notamment au profit de l’e-commerce. Le chiffre d’affaires sur internet s’est étoffé de 11,7% sur les dix premiers mois de 2021, indique l’Association de commerce.swiss. En 2020, la contribution de l’e-commerce s’est inscrite à environ 12% du chiffre d’affaires total, selon GFK.
“Les ventes en ligne ont bien progressé en 2021 et cette tendance va se développer. Cependant, la majorité des gens sont revenus dans les magasins pour faire leurs emplettes”, relève la spécialiste de Deloitte.
“Le boom de l’e-commerce n’a pas eu lieu”, ajoute Mme Szegedi tout en expliquant que l’année dernière, face à l’extraordinaire essor de ce canal de vente, certains analystes s’attendaient à observer le transfert d’une majorité des achats sur internet.
Pour Deloitte, l’une des priorités doit être à l’avenir le renforcement du “phygital”, la fusion entre l’enseigne physique et digital. “C’est le même client qui achète dans la boutique physique et virtuelle. Il faut arriver à créer une cohérence entre l’image, l’offre, la facilité et notamment l’exclusivité dans le luxe sur les deux supports de vente mais cela n’est pas évident”, concède l’experte comptable.
Des nuages planent cependant sur le commerce de détail helvétique pour 2022. Les économistes du BAK anticipent pour l’année prochaine un net ralentissement de la branche dans son ensemble (-1,6%) et du secteur de l’alimentation et des boissons en particulier. “Les habitudes de consommation d’avant la crise, comme le recours accru aux services de restauration ou au tourisme d’achat entraîneront une fort baisse des ventes”, indique l’institut.
L’impact du tourisme d’achat réalisé dans les pays limitrophes par les résidents suisses était évalué à environ 8 milliards de francs en 2019 par Credit Suisse et pourrait aller jusqu’à 10 milliards, selon d’autres experts. Mais les restrictions imposées aux déplacements avaient fait chuter le tourisme d’achat de produits alimentaires de 42% en 2020, selon l’Office fédéral de l’agriculture (Ofag).
Le secteur des chaussures et des vêtements pour sa part devrait encore profiter en 2022 d’un effet de rattrapage par rapport à la crise, même si les niveaux avant-pandémie ne seront pas atteints. Les consommateurs ont entre autres pris l’habitude de faire des emplettes sur des sites internet étrangers, un changement structurel qui devrait perdurer.
Par ailleurs, la volonté des consommateurs d’économiser pourrait aussi pénaliser le commerce de détail. Selon un sondage global de Deloitte sur les intentions de consommation, l’épargne constitue le poste le plus important parmi les catégories de dépenses, à côté notamment des sorties au restaurant, des divertissements et des appareils électroniques.
Des défis liés à la pandémie tels que l’inflation des matières premières, du fret et l’introduction de nouvelles restrictions sanitaires pourraient aussi peser sur la branche si la crise sanitaire venait à s’aggraver.